Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, taches d'encres sur papier.
Elle peint à côté de moi, plongée dans son travail.
« Qu’est ce que tu fais? »
1.31 mn
« Ho ça fait beau, on dirait une histoire ! »
Jusqu'à disparition "Point de départ"
Jusqu'à disparition "Traversant 1"
Jusqu'à disparition "Traversant 2"
Jusqu'à disparition "Traversant 3"
Jusqu'à disparition "Traversant 4"
Jusqu'à disparition "Traversant 5"
Jusqu'à disparition "Traversant 6"
Jusqu'à disparition "Traversant 7"
Jusqu'à disparition "Traversant 8"
Je passe la main
2005
Éditions réalisées en photocopies.
On a tous dessiné ou écrit sur nos mains. Pour ma part les longues heures de cours sont propices à cette pratique insignifiante. Mon attention au bout de quelques temps se disperse. Ça commence à peu près toujours comme ça ! Je pose la pointe de mon stylo sur ma main, de ce contact naît un point. Là c’est le début de la fin, ma main devient support. Le stylo la parcourt généreusement dérobant ainsi des formes, des tâches, des ronds, des droites, des courbes, des mots et parfois même des dessins. Un jour, j’ai décidé d’immortaliser la chose. Ce jour là, ma main était particulièrement devenue matière. J’allais donc photocopier ma main après chaque journée de cours à l’université. Tout commence le 29 novembre 2004.
Je fausse la vérité pour couvrir le silence
2005
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, objets trouvés.
Le 8 janvier 2005, en présence de ma voisine, je trouve dans la rue une ancienne machine à coudre «Singer». Nous l’avons ramassé. De retour chez nous, nous avons ouvert les tiroirs pour voir ce qu’elle contenait. Elle était emplie d’un certain trésor. Ce dernier a été abandonné dans la rue. Probablement par la famille de madame L.Dubois. Probablement la défunte propriétaire de cette couseuse. J’ai alors proposé à ma voisine un marché. Elle prendrait la machine à coudre et moi ce qu’elle contenait.
Je fausse la vérité
9.05 mn
Une histoire, du bruit.
pour couvrir le silence.
1 mn
Une minute de silence.
Sauflundi chez Florence Diemer.
Le temps qui nous reste est de plus en plus court
2005
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies.
L’histoire fuit dans un taxi de nuit.
« Il venait de s’acheter des chaussures en cuir vernis noir et un costume Paul Smith. » Bars d’hôtels, restaurants, mojitos, Martinis blancs, Jet 27, Silk Cut bleu… Une survie upper class entre un taxi et deux Marlboro light. Le malaise s’installe au rythme d’une course nocturne, le compteur tourne, la berline file dans Paris. « Il me tient la main, je ne ressens rien à part de la solitude. »
3.38 mn
Prendre un taxi parisien la nuit pour écouter cette pièce sonore.
L’antre d’eux
2006
Flipbook réalisé en photocopies.
L’homme qu’il m’avait donné et que je n’ai jamais retrouvé
2006
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies.
L’histoire s’installe dans les escaliers.
Une conversation dans la cuisine. « Tu es comme ton père, il adorait Édith Piaf. « Une bombe. J’écoute Édith Piaf avec un autre regard. Un ami de la famille monte voir. C’était dans les escaliers. « Je dois te dire quelque chose. » « Tu sais ton père était très malade. » Partir au ciel, monter. « Je comprends sans comprendre. » « Je comprends. » « Je regarde ailleurs, je le regarde, je regarde le mur, je le regarde, je regarde les petits tableaux dans les escaliers. » « Il est monté au ciel parce que Dieu trouvait que c’était un homme trop bien. » Je pousse un cri parmi les rires quand Dieu vient l’arracher d’entre mes bras. Et je crispe mes poings maudissant Dieu qui me vole, l’homme qu’il m’avait donné et que je n’ai jamais retrouvé.
6.13 mn
écouter cette pièce sonore, entre deux marches, dans des escaliers.
Tableau noir
2006
Performance sous l'invitation de Claude Closky, Première triennale de La Force de l'art au Grand Palais, édition pour tracer la performance réalisée en photocopie.
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies.
Mélodie: Arthur Durand
Texte: Luc Schuhmacher
Performance dans l’atelier de Claude Closky, Beaux-Arts de Paris.
4.07 mn
Enregistrement studio
4.54 mn
Quel est ce goût étrange
Je ne sais plus ce que je mange
Certain jours tu as le goût de figue
J’sens que je fatigue
D’autres jours le goût de raisin
Quoiqu’il en soit y a toujours des pépins
Tu es mi-figue mi-raisin
Alors tu viens ou pas?
Tu m’appelles et tu ne m’appelles pas
Tu m’évites et tu me vois
J’hésite j’te mange ou pas
Que faire je ne sais pas
Tu parles et à la fois tu n’dis rien
Tu es mi-figue mi-raisin
Sur quel pied dois-je danser
Ce goût suave m’a touché
Qu’est ce qu’on fait là ! Répond moi!
Lorsque tu es raisin je ne sais être figue
Quand tu es figue
Je voudrais bien être ton raisin
Tu es mi-figue mi-raisin
Va bien falloir s’arrêter
Ce fruit va m’écœurer
Ses grappes agrippent mes nerfs
Un goût amer je flaire
Je ne sais plus où je vais
J’ai dû me tromper de train
Tu es mi-figue mi-raisin
Interpretation lors du confinement d’avril 2020.
Ses épines avaient peur de dehors
2008
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, relique d'un rosier mort.
L’histoire pose son empreinte sur ce qu’il reste d’elle-même.
« Tu sais, ton problème ne m’appartient plus. Et parce que je suis là, parce qu’il y a plein de belles choses. Je te le redis encore une fois. »
6.22 mn
écouter cette pièce sonore, en présence du rosier.
Les voies du silence
2008/2015
Impression, témoignages sur supports mixtes.
Les voies du silence « Document »
« Renouvellement du passeport, déposer les pièces demandées :“Ce sera prêt dans une semaine. ”Déjà loin de la mairie, le téléphone sonne : “Il y a un problème avec vos papiers (…) Vous êtes convoqué dès maintenant au poste de police.”Ils me font asseoir. “Votre prénom ne correspond pas à celui de votre acte de naissance.(…) Vous n’êtes pas Luc, vous êtes Samuel.”Ne rien comprendre. “ Je vous assure. Je suis Luc. ” “ Vous devez faire un choix, changer tous vos papiers. (…) Vous êtes hors la loi.” Affolé, je quitte la mairie, j’appelle ma mère, raconte l’histoire. J’ai le sentiment qu’elle sait, qu’elle ne me dit pas. Elle m’assure que je suis Luc. “Ils doivent se tromper. C’est une erreur.” Le soir même, j’ouvre un livre de Bruno Pedretti sur la vie de Charlotte Salomon. Je lis: “Tous avaient été complices pour lui tenir caché, verbalement, ce qui se transmettait à elle par les voies du silence.” Quelques jours plus tard, ma mère m’envoie un extrait de naissance. Sur ce papier, je suis bien Luc, Samuel, Christopher. Luc a donc été le premier prénom que j’ai porté. Il est daté du trente mai mille neuf cent quatre-vingt-trois, c’est-à-dire deux jours après ma naissance. L’acte qu’a la police est daté du vingt-trois juin mille neuf cent quatre-vingt trois, soit trois semaines plus tard. Modifié et raturé, sur ce nouvel acte, je suis Samuel, Lucas, Christopher. Je suis donc devenu Samuel après avoir été Luc pendant trois semaines. Pourtant, hors des actes administratifs, on m’a toujours appelé Luc. »
« Mon père, disparu, ne peut me donner sa part de l’histoire. Le reste de ma famille ne me dit rien ou parle d’erreur administrative. Je pense à mon frère qu’on appelle Olivier alors que son acte indique Oliver, à ma grand-mère qui est née Elise et que tout le monde appelait Simone et à mon père que ses parents avait nommé Gerhard et qui se faisait appeler Gary… Que s’est-il passé entre ces deux actes de naissance ? Qui a demandé ces modifications, et pourquoi ? Imaginer, prendre la parole à la place de ce qui se tait. Face à cette histoire sans voix, je vous demande la vôtre. Venez à ma rencontre pour me donner votre version des faits. Ce témoignage écrit, que vous rédigerez sur un papier de votre choix, sera utilisé dans le cadre de mon travail plastique et restera anonyme. J’aimerais cependant que vous le datiez et le paraphiez. Pour vous remercier de cette contribution vous recevrez ce document daté et signé lors de notre rencontre à la Backslash Gallery, le samedi 26 septembre 2015, entre 15 h et 19 h, au 29, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris.
Amicalement, Luc »
Les voies du silence "Dessin préparatoire" 2008
Les voies du silence "Témoignages récoltés" 2015
A B, 1
A B, 2
A G
A L B, 1
A L B, 2
A M
A W
B J, 1
B J, 2
C D, 1
C D, 2
C D, 3
C D, 4
C D, 5
C D, 6
C F
C M
D G
D T
F H, 1
F H, 2
F S, 1
F S, 2
C F d'A, 1
C F d'A, 2
J d L R, 1
J d L R, 2
J, C D, 1
J, C D, 2
J, C D, 3
J, C D, 4
J, C D, 5
J, C D, 6
J, C D, 7
J, C D, 8
L B
L J-G
L M
L T 1
L T 2
L T 3
M B
M H
M S
M-D H
M-T F
N G
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P L
P-E d'L
Q E
S D
S d'V
T B
T V 1
T V 2
T V H
V H, 1
V H, 2
V L G
V T
Y C
Les touchants
2006-2018
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, dessins au stylo bille ou feutre sur supports divers.
La copie de la copie de la copie me plaît, elle est difforme.
Maintenant seul, je ferme les yeux, mon doigt parcourt la peau de mon visage, une main dessine ce que l’autre main touche. Je ne vois pas ce qui me traverse.
1.59 mn
Un rêve : Nous dormons ensemble. C’est doux. Je ne vois plus sa laideur.
Les touchants "Point de départ"
Les touchants "Effleurement 1"
Les touchants "Effleurement 2"
Les touchants "Effleurement 3"
Les touchants "Effleurement 4"
Les touchants "Effleurement 5"
Les touchants "Effleurement 6"
Les touchants "Effleurement >7"
Les touchants "Effleurement 8"
Histoires sans anesthésie
2008
Livre suturé par un medecin, Betadine jaune.
“Au bout du téléphone, il y a votre voix et il y a les mots que je ne dirai pas.”
Mai 2007 : Mon texte était très mauvais, il me l’avait dit.
Sept mois plus tard j’avais terminé la séance ainsi: “Ce qui m’importe c’est de vivre des choses qui comptent!” Les retenir, la retenue, contenir, le contenu.
Ce qui me plaisait dans sa voix, c’était ce regard abandonné sous ses yeux cernés. Dans le silence de ses réponses sans verbes mon ignorance devenait de l’algèbre.
J’allais conclure une nouvelle séance avec d’autres mots: “J’aime bien avoir l’illusion que je ne suis pas tout seul.” Illusion, se raconter, conter, ces choses qui comptent.
Cette verticalité que j’aime tant oublier. Ce jour, lorsque je ne pouvais plus marcher, toute une nuit allongé sur le carrelage glacé, nu sous une frêle chemise de coton.
Pauvre hôpital. Il manquait de brancards.
Quatre ans plus tard, et ces quelques mots qu’il ne recevra jamais: “J’aurais préféré que tu me dises simplement et plus tôt que je me trompais.”
Les larmes de cutter
2009
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies.
L’histoire lacère l’obscurité.
Elle me tripote le majeur. « Je sais que mon problème est grave. Je sais que je vais devoir être hospitalisé. » « À l’hôpital, je suis apaisé, il y a cette jeune fille qui dort dans le lit d’à-coté. » Le jour, la nuit? « Je ne peux pas savoir il n’y a pas de fenêtres. » La maladie, la vie. Je suis un monstre. Ils ont des lames de cutter, les larmes de cutter. Je me bats contre quelque chose. « Le bruit sourd, le bruit sourd. » Cette chose est vivante. « Le bruit sourd s’accentue. » La mère, la chose, la culpabilité, couper, être majeur. « Je lui dis que je sais comment la combattre. Que ma psychanalyse la tuera. » Elle a peur, elle gémit, elle crie.
3.36 mn
éteindre toutes les lumières sans préavis. Lancer la pièce sonore.
Architecture
2010
Dessins au stylo bille et feutre sur papier recyclé.
Histoires sans anesthésie
2010
Film, réalisé en collaboration avec Camille Ferrera.
5.35 mn
Couché sur le papier
2010/2011
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, series de dessins au stylo bille ou feutre sur papier divers.
Les mots ont du mal à s’endormir.
Madame M: « Oui c’est ça, c’est violent. Surtout qu’on ne peut pas tourner la page. »
1.20 mn
écouter la pièce sonore, balayer du regard les textes couchés sur le sol.
Couché sur le papier "Point de départ"
Couché sur le papier "Vague 1"
Couché sur le papier "Vague 2"
Couché sur le papier "Vague 3"
Couché sur le papier "Vague 4"
Couché sur le papier "Vague du 22 août"
Sans faire de vagues
2011
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, dessins au stylo bille ou feutre sur supports divers.
On ne rentrera pas dans
les choses. Le vent qui fait
bouger les rideaux.
Elle se tait, regarde devant elle. Ses yeux brillent. Les vagues montent. Les larmes ne sortent pas. Elle se tourne vers moi, puis regarde le fauteuil. Sa voix tremble. Sa bouche se tord : « Oui mais au moins quand elle était là, elle m’appelait à six heures pétantes, le matin de chacun de mes anniversaires. Elle me disait: « Alors, ça fait maintenant quarante-quatre ans que tu m’enquiquines. » Aujourd’hui je n’ai plus ça. Je suis toute seule. »
3.02 mn
écouter cette pièce sonore, regarder les vagues de la conversation qui restent en surface.
Sans faire de vagues
"Surface du 19 juin 2010"
Sans faire de vagues
"Surface 1"
Sans faire de vagues
"Surface de septembre 2012"
Sans faire de vagues
"Surface du 4 et 7 janvier 2013"
La mer est dangereuse
2011
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, série de dessins au style bille sur papier recyclé.
Je sais exactement qui tu es.
Je sais exactement qui tuer.
2.27 mn
Cela ne te regarde pas.
La mer est dangeureuse "Attaque 1"
La petite sirène
2011
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies.
Je dois retourner à la mer, celle qui m’a vue naître, à laquelle j’appartiens.
2.29 mn
D’après mes souvenirs
Au goûter d’anniversaire, l’amie chez qui nous passions l’après-midi était fière de nous dire qu’elle avait la cassette vidéo de La Petite Sirène, la vraie, pas celle de Walt Disney, celle où la petite sirène meurt à la fin. J’avais sept ans et j’avais perdu mon père depuis peu. La mort était quelque chose qui faisait complètement partie de ma vie d’enfant. Elle avait emporté ce père que j’aimais tant. Ayant senti l’intérêt que je portais à cette histoire tragique et que je n’avais encore jamais vue, la mère de Fanny m’en fit une copie. J’ai regardé cette cassette chaque mercredi que Dieu a fait, jusqu’à mes dix ans.
Le salon de la villa Sainte-Thérèse. Sa moquette vert bouteille. Je sors la cassette de son carton, la glisse dans le magnétoscope, la rembobine, m’installe sur le canapé Chesterfield en cuir marron, les pieds dans le creux du canapé, les mains entre mes genoux, dans mon pyjama bleu en éponge. Après quelques secondes, le film commence.
Les vagues qui caressent la plage. Une typographie jaune écrit sur la mer : La Petite Sirène. Puis, un son étrange. Les harpes entament une musique dégringolante, qui nous fait plonger dans les profondeurs de la mer. Une voix de femme et un chœur entonnent une chanson. La petite sirène blonde, fine comme une sardine, à l’aube de la puberté, joue avec Fritz, son ami dauphin. Les coraux rouges, les oursins, les tortues de mer, une raie manta, un décor sous-marin luxuriant.
Quand une sirène grandit, elle doit regarder vers l’avenir. Elle sera bientôt une femme qui se prépare à aimer. Les jeux d’enfant, c’est du passé, son cœur devient plus fragile. Elle cherche, pour trouver l’amour éternel.
Comme je l’ai déjà compris, le grand amour ne viendra qu’une fois. Mais il sera merveilleux, je dois l’attendre. Une étoile dans le ciel le conduira vers moi.
Loin là-bas, j’ai entendu un cœur qui chante comme le mien. Sa mélodie d’amour, je la connais, je chante son harmonie. Je sais que cette voix me vient, d’un pays très loin de la mer. Et pourtant je la suivrai jusqu’au bout du monde.
Comme je l’ai déjà compris, le grand amour ne viendra qu’une fois. Mais il sera merveilleux, je dois l’attendre. Une étoile dans le ciel te conduira vers moi.
La petite sirène, à la suite d’un naufrage, a sauvé la vie d’un prince. Elle l’a ramené à terre, sain et sauf. Dans cette épreuve, elle en est tombée amoureuse. Ne sachant comment rendre cet amour possible, en dernier recours, elle est allée voir la sorcière des mers, l’a implorée de trouver un moyen de rejoindre son prince, sur terre : elle l’aime, elle entend cette voix de l’amour, cette voix qui l’appelle, qui lui vient d’un pays très loin de la mer, cette voix qui la pousse à dépasser la peur immense de rencontrer la sorcière. La voix de la petite sirène est belle. Ce don attise la convoitise de la sorcière qui lui donnera des jambes en échange de sa voix. Elle ne pourra donc plus parler, mais pourra marcher, sur terre, vers son prince. Elle retrouvera sa voix si le prince l’épouse, s’il fait d’elle sa princesse. S’il en épouse une autre, elle retournera à la mer pour devenir écume.
La petite sirène, la vraie, celle qui meurt à la fin de l’histoire, rentre dans la chambre du prince. Il dort, à côté de sa femme, sa princesse. Il vient de se marier, d’en épouser une autre. Il a consommé dans cette chambre son union avec sa jeune épouse. La petite sirène tient un poignard entre les mains. Ses sœurs sont allées voir la sorcière des mers. Elles l’ont implorée de trouver un moyen, pour sauver leur jeune sœur. Elles ont échangé leurs belles chevelures contre ce poignard. Avant l’aube, la petite sirène devra l’enfoncer en plein centre du cœur du prince. Ses pieds devront baigner dans son sang et elle pourra redevenir sirène.
Le prince dort tranquillement. La petite sirène lève le poignard vers le ciel, au-dessus de lui. Elle ferme les yeux. Elle ne peut pas voir. Les sanglots montent. C’est au-delà du supportable. La mort du prince, son amour. Tuer de ses propres mains cet homme qu’elle aime, contre sa propre mort, pour sa vie à elle. Elle s’apprête, dans un élan désespéré, à planter le poignard dans le cœur du prince. Le poignard, le visage endormi du prince. Son visage reposé ne se doute de rien. Ses yeux à elle se crispent de douleur. Elle s’effondre sur le sol. Le poignard roule entre ses doigts et tombe sourdement sur le tapis, étouffé par le son de ses sanglots. Les larmes, ses mains sur le ventre, repliée sur elle-même, le regard perdu sur le sol. Elle respire la bouche ouverte.
La voix off. La voix intérieure de la petite sirène : Je ne peux pas. Je ne peux pas. Tout ce que je veux, c’est le bonheur du prince.
Elle se lève, regarde un instant l’homme dans son sommeil innocent. Elle embrasse alors le prince sur le front. Elle lui fait ses adieux. Elle récupère le poignard, referme sur son couple, sur lui, les voiles transparents de soie bleue du lit à baldaquin. Elle quitte la pièce, prend les escaliers vers le pont arrière supérieur du navire. Elle monte sur le bastingage de bois. Elle est prête à se jeter, à se rendre, à se remettre à la mer, à mourir en elle pour se transformer en écume.
Elle regarde la mer. Sa voix intérieure dit : Je dois retourner à la mer, celle qui m’a vue naître, à laquelle j’appartiens. Seule la mort conservera pur et intact cet amour que je porte au prince. Quand je serai devenue écume, je pourrai peut-être encore servir mon prince. Même si son cœur n’a pu être mien, c’est quand même à cause de lui que j’ai appris ce qu’était l’amour. Je veux rester près de lui pour toujours. Même si ça doit être sous la forme d’écume. Adieu père ; adieu, grand-mère ; adieu mes sœurs. Je regrette, mais je ne serai pas au rendez-vous ce soir. Adieu, mon doux Fritz. Adieu, mon prince. Soyez heureux.
Elle jette le poignard à l’eau. Le poignard à la mer, il n’y a plus aucun espoir de vie pour elle. Le poignard prend feu au contact des flots. Une lumière rouge et flamboyante se fait et déchire la nuit. Cette lumière réveille le prince qui, d’un élan, court vers le pont supérieur comme attiré par un terrible pressentiment. Il voit celle qu’il appelle sa princesse des mers, debout sur le bastingage du bateau, prête à se jeter. Il pousse un cri : Princesse, attendez ! Princesse des mers ! Princesse des mers !
Elle entend sa voix. De ses yeux coulent des larmes. Dans un soupir, elle replie son visage d’un léger mouvement sur sa poitrine, comme pour se préparer à cette terrible mort qui l’attend, comme pour dire aussi au prince qu’elle le regrette mais qu’il est déjà trop tard. Puis sans retenue, déjà sans vie, elle se laisse tomber à la mer. Elle s’y abandonne la tête la première, les bras le long du corps. Le prince court pour la rattraper. Dans sa course, tout lui revient : c’est elle qui l’a sauvé de la noyade, c’est elle qu’il aurait dû épouser, c’est elle qu’il aime, il est passé à côté de l’amour de sa vie. Le prince regarde maintenant vers la mer, les larmes sur ses joues. Le soleil montre ses premiers rayons. L’aube. La petite sirène se transforme en écume.
Du noir, c’est la fin de l’enregistrement sur la cassette vidéo.
Les dents de la mer
2011
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies et Le voyage de la "Calypso", le monde du silence, par J. Y. Cousteau ouvert à la page 68.
Elle sourit la bouche fermée.
Le requin rôde, il tourne autour de moi,
je suis en proie à sa violence. J’ai peur, il est
gigantesque, il peut me déchiqueter. Je sais
qu’il a des dents acérées, tranchantes, mortelles.
Je ne bouge plus pour ne pas attirer son attention.
Je suis sous l’eau pourtant je m’arrête de respirer.
2.36 mn
Je vais pouvoir voir, enfin.
Les dents de la mer "Morsure n°1"
Un message sans adresse
2012
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, enveloppe timbrée.
Je sais que c’est difficile de lui demander ça : « Maman je voudrais des billes. »
3.14 mn
Cet autocollant sur l’enveloppe est sa réponse.
Christmas is toast
2011-2017
Manuscrit.
Manuscrit conservé dans mon atelier. Il est possible de le consulter sur demande.
Plus bas que terre
2015
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, dessins sur enveloppes.
Je comprends…
Il faut aller vite !
Il n’y a pas de temps à perdre.
3.46 mn
écouter la pièce sonore, évaluer le travail d’un esclave.
Plus bas que terre "Labeur 1"
Plus bas que terre "Labeur 2"
Plus bas que terre "Labeur 3"
Plus bas que terre "Labeur 4"
Plus bas que terre "Labeur 5"
Plus bas que terre "Labeur 6"
Plus bas que terre "Labeur 7"
Plus bas que terre "Labeur 8"
Sans enveloppe de protection
2014
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, papiers broyés.
Paris, 24 avril 2014
Hier j’ai acheté une broyeuse à papier.
Je ne veux plus rien jeter, plus rien qui porte mon nom. Mon nom me fait peur. Il y a deux jours j’ai pris l’avion de Nice pour Paris. Aux passages de contrôle je me suis mis à trembler. Les écrans qui filment nos bagages. Des hommes et des femmes qui analysent les images. Ils regardent mon passeport. Le tiennent entre leurs mains. Mes mains à moi tremblent. J’ai l’impression d’être nu. Sans enveloppe de protection. Je n’arrive pas à penser, les pensées me font peur. écrire ces quelques phrases, a été quelque chose.
Une épreuve.
1.01 mn
La broyeuse à papier déchiquette mon nom.
Tomber des mains
2017
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, dessins au feutre sur supports divers.
Le plus dur n’aura pas été d’écrire mais de supporter l’existence de ce texte.
Il y a l’amour, la folie, l’art, l’hôpital froid aux draps rêches.
5.28 mn
Cher Monsieur, nous avons le regret de vous annoncer que nous n’avons pas retenu votre manuscrit… une enveloppe affranchie à 4 euros afin que nous puissions vous le retourner… l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Tomber des mains "Chute 1"
Tomber des mains "Chute 2"
Il y a des bruits dans le couloir
2018
Pièces réalisées en collaboration avec Thérèse Verrat et Vincent Toussaint.
Les yeux ne peuvent plus rester ni ouverts, ni fermés.
« Qu’est-ce que tu vois ? »
Ces mots qui se suivent, toutes ces phrases, c’est ma peau.
3.09 mn
Quand je dis « j’entends des cris » ce n’est pas une métaphore.
Il y a des bruits dans le couloir "Le jeu"
Vidéo HD, projection simultanée via
deux dispositifs non synchronisés,
boucle de 25 secondes
Il y a des bruits dans le couloir "Larme 1"
Tirage couleur argentique, collage et
épingles
Il y a des bruits dans le couloir "Larme 2"
Tirage couleur argentique, collage et
épingles
Il y a des bruits dans le couloir "Larme 3"
Tirage couleur argentique, collage et
épingles
Il y a des bruits dans le couloir "Couloir 1" Négatif noir et blanc
Il y a des bruits dans le couloir "Couloir 2" Négatif noir et blanc
Il y a des bruits dans le couloir "Couloir 3" Tirage noir et blanc argentique
Il y a des bruits dans le couloir "Couloir 4" Transfert d’émulsion sur papier
Votre tâche est peut-être de l’écrire
2018
Pièce sonore réalisée au dictaphone et transférée sur CD, éditions réalisées en photocopies, feuillets manuscrits autographes au stylo bic, 478 pages.
Nous arrivons dans un couloir éclairé aux néons rouges.
Je me réveille en pleine nuit pour modifier un mot, obsédé par l’équilibre d’une phrase. Et si je ne revenais pas de cette exploration ?
3.28 mn
La peur ne cesse de grandir.
Trace de l’exposition Votre tâche est peut-être de l’écrire
Film réalisé en 2019
Ce matin-là
Fin mars 2020
Film
3.07 mn
Mi-figue mi-raisin
2020
Film
Interpretation lors du confinement d’avril 2020.
Retour à l’atelier des touchants « Point de départ ». Collection de Florence Diemer
2020
Paris, 18 juin 2020.
La Villa Riberolle, son sol cabossé, les pavés déchaussés, les chats errants rasant les murs, les roses trémières qui prennent racine dans les moindres interstices aux pieds des façades. Au-delà de l’impasse, les grands arbres du cimetière du Père Lachaise.
Sur le mur de l’atelier d’encadrement « Diemer » une inscription : Frapper avec conviction.
Flo ? Je peux entrer ?
Entre mon chéri !
Des flamants roses en béton m’accueillent sur le pas de la porte. Sur la table basse un accordéon. La radio est allumée.
Derrière les lunettes posées sur le haut de ton front, tes cheveux couleur cendre, toujours en pétard.
Flo, Floflo, ma Flo, Florence, Florence Diemer. Petite femme drôle, parfois si triste, extrême et confidentielle.
Tes yeux bleus m’impressionnent toujours.
Du coin de l’œil, j’observe tes mains noueuses, déformées par les gestes répétés des milliers de fois. La manipulation de baguettes biseautées, petits marteaux, clous tête d’homme, a inscrit le temps sur tes mains.
Au grès des rencontres, amitiés, histoires d’amour, les pièces se sont rassemblées autour de toi. Aujourd’hui, tu demandes aux artistes et amis d’écrire pour préparer la vente de cet ensemble. Tu m’as confié l’autre jour qu’en lisant les textes tu avais l’impression de lire des condoléances.
Les pièces retrouvent leur liberté, elles vont quitter une collection singulière pour s’accrocher à d’autres murs.
En décrivant le sol cabossé de la Villa, j’entends Barbara chanter Drouot. Je fredonne l’air : Je prends, je rachète tout ça. Ce que vous vendez-là c’est mon passé à moi.
Cette nuit, après avoir écrit jusque tard, je dors mal.
Le matin, au réveil, je me souviens avoir rêvé d’un accordéon jouant la Marseillaise. Je prends conscience de la contraction, faite entre toi, ton instrument de musique et la vente aux enchères où Serge Gainsbourg a acheté le manuscrit autographe de Rouget de Lisle, notre hymne national.
Bonne chance à cette vente, aux œuvres, aux artistes et à toi ! Aux armes et caetera !
Paris, mai 2022
Un après-midi lumineux de mai 2010, je rends visite à Richard dans son atelier rue Boyer dans le 20e arrondissement de Paris. En entrant dans ce lieu, mon regard est attiré par un jeu d’échecs en bois massif. La table basse sur laquelle le plateau est posé semble avalée par l’objet surdimensionné. Les pions, sculptés par l’artiste, font chacun la taille d’une main d’homme. Les essences de bois sont brutes, les couleurs belles, sensibles, l’objet vibre et m’accueille. A sa droite, une plante a conquis ses droits et grimpe et touche la verrière zénithale. Richard laisse faire, un certain équilibre règne.
A gauche, en enfilade, des toiles sont alignées à l’aplomb et à la perpendiculaire d’un grand mur. Je suis fasciné par la série “Les ciels”, déjà vue un jour. Je souhaite la revoir. Il me présente les toiles, une à une, les faisant glisser au sol. A nouveau, cette même impression : le corps de Richard a disparu, il n’y a plus trace de ses mouvements. Et là, surgissent les vapeurs humides des nuages, une voûte céleste au crépuscule.
L’absence du peintre m’absorbe et se transforme en souvenirs.
Antibes, printemps 1989 Nous sommes dans la cage d’escaliers de la Villa Sainte-Thérèse, la maison où j’ai grandi. Un prêtre monte les marches à ma rencontre, il se met à mon niveau, ses yeux se posent sur moi : “Ton père était très malade, il est monté au ciel.” J’ai cinq ans, je ne peux pas penser le monde autrement qu’au pied de la lettre. Maintenant mon père vit dans le ciel. Cet endroit immense et glacé.
Mon père, le peintre Gary Schuhmacher, artiste comme Richard Ballard. Un jour, je ferai l’acquisition d’un “ciel”.